« L’urgence de la reconquête de l’attention comme la reconquête du vivant, du vrai, du "en chair et en os" »
Recension de La Guerre de l'attention d'Yves Marry et Florent Souillot par Bela Loto Hiffler sur le site du M.I.R.
[Ce texte n’est pas une fiche de lecture académique mais s’apparente plutôt à un retour subjectif qui n’engage que son auteure, Bela Loto Hiffler].
Avant de lire l’ouvrage, je suis allée voir du côté du dictionnaire* pour vérifier la définition du mot « attention » : capacité de concentrer volontairement son esprit sur un objet déterminé. Sollicitude, gentillesse envers quelqu'un ; marque d'intérêt, d'affection…
Le sujet de ce livre m’invitait donc à me soucier de l’autre et à refuser un monde sans contact. Cela était réjouissant, en ces temps de disette humaine.
Le regard vide et l’attention muette…Voilà ce dont il est question.
L’ouvrage d’Yves Marry, et de Florent Souillot est éminemment politique. Il propose une analyse profonde. Les propos sont denses et contiennent de très nombreuses références bibliographiques (sociologiques, philosophiques, économiques) et j’y ai retrouvé quelques-uns de mes auteurs fétiches. L’ouvrage contient des formules qui résonnent, très efficaces, et que l’on pourrait avoir envie de mobiliser abondamment.
Les auteurs de cet ouvrage nous préviennent : la guerre de l’attention menace de réduire notre monde et nos relations à un grand silence. Le coût de l’extraction massive de l’attention va bien au-delà du seul enjeu sanitaire éducatif. Il concerne la société dans son ensemble. Notre dépendance aux outils qui nous sont vendus pour « faciliter » notre vie contribuent à nous déposséder de nous-mêmes. Nous allons vers un monde dévitalisé, équipés d’une technologie qui nous vampirise.
Nous n’avons même plus le temps de faire des choses « désirables » puisque nous devons en permanence traiter toutes une série d’actions toujours plus urgentes les unes que les autres et terriblement répétitives. Les auteurs nous rappellent en effet la rhétorique de l’obligation développé par Harmut Rosa. Ne sommes-nous pas tous devenu.e.s des « femmes de ménages numériques », à supprimer, classer, ranger, nettoyer nos outils qui dans le même temps nous font produire des octets à l’infini ?
En perdant l’attention, notre aptitude à ressentir les émotions des autres, notre empathie est menacée. En la retrouvant, nous nous tournons vers l’autre, nous sommes dans la fraternité, l’entraide et l’altruisme.
Une partie de l’ouvrage traite de l’économie de l’attention. Elle met de l’eau au moulin de celles et ceux qui interrogent (sérieusement) la croissance, l’attention étant l’ultime ressource de cette dernière.
Les captologues, « voleurs d’attention » analysent nos actions, évaluent nos intentions, analysent nos déplacements, cartographient nos centres d’intérêt…Ils possèdent un immense pouvoir, celui de la mesure (...).
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