« On en vient à se dire que le mouvement décolonial parle moins de la société en général que l’université en particulier »
Recension de Critique de la raison décoloniale par Jean-Frédéric Schaub dans Alarmer.
Critique de la raison décoloniale a connu, dès sa parution, un vif succès puisque sa première édition a été épuisée en quelques mois et qu’une réimpression était en cours en 2025. Le livre se présente comme un travail collectif, et ses maîtres d’œuvre sont Pierre Gaussens, sociologue au Colegio de México, et Gaya Makaran, historienne et politiste à l’Universidad nacional autónoma de México. L’édition française est la version abrégée d’un ouvrage paru en 2020 sous le titre Piel blanca, máscaras negras. Crítica de la razón decolonial (soit « Peau blanche, masques noirs. Critique de la raison décoloniale »). Le livre original, en langue espagnole, comportait quelques chapitres consacrés à des retours d’expérience militante dans le vaste domaine des combats politiques pour la correction ou l’élimination des discriminations enracinées dans le passé colonial de l’Amérique latine1. La publication française offre aux lecteurs les chapitres qui portent sur la discussion universitaire autour des thèses de la mouvance décoloniale, avec l’ambition d’en faire comprendre la portée, au-delà des spécialistes de l’Amérique latine.
L’allusion et l’hommage rendus à Frantz Fanon par le titre original se retrouvent dans celui du chapitre que les deux coordinateurs placent en tête du volume : « Peau blanche, masques noirs. Les études décoloniales : autopsie d’une imposture intellectuelle ». C’est dire, d’une part, que la critique ne s’embarrasse guère ici de précautions oratoires. C’est dire, d’autre part, que les auteurs entendent arracher l’œuvre de Fanon et son universalisme assumé aux tentations contemporaines et aux séductions de l’essentialisme fût-il stratégique. Ces débats nous concernent au premier chef car, dans le réseau des animateurs du mouvement modernité / colonialité qui ont développé la première vague des théories décoloniales, la question de la race joue un rôle capital. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire le compte-rendu par Pierre Gaussens du livre de Michel Cahen, Colonialité. Plaidoyer pour la précision d’un concept2. (...).
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