« "Folie extractiviste" : le lourd tribut de la RDC au numérique débridé »
Recension de Barbarie numérique de Fabien Lebrun par Jonathan Baudoin dans Les e-novateurs.
La révolution numérique semble être source de bienfaits économiques et sociaux. Mais à s’y pencher de plus près, elle est aussi source de méfaits humains et écologiques. L’Est de la République démocratique du Congo en est une illustration.
« Le prix d'un smartphone, c'est la vie de 10 enfants exploités » : le texte de cette pancarte, brandie le 29 juin 2024 à Paris lors d'une manifestation pour le Congo, mériterait d’être répété plus souvent au grand public. Car le fait est là : le développement du numérique, symbolisé par les smartphones et les ordinateurs, est en lien avec l'exploitation minière dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC).
Une région en conflit, où le groupe armé rebelle M23 [Mouvement du 23 mars, NDLR], appuyé par le Rwanda voisin, occupe depuis le début de l’année les villes de Goma et de Bukavu, capitales respectives des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Une perpétuation conflictuelle dans ces provinces, comme dans celle de l’Ituri, depuis 1996.
Ceci, en dépit d'un accord trouvé entre la RDC et le Rwanda à Washington le 27 juin dernier, tant les enjeux économiques sont importants. Tout particulièrement autour du coltan, un minerai résultant de l'assemblage de la colombite et du tantale, essentiel pour que les cartes-mères des smartphones résistent à la corrosion et à la chaleur. « Sans ces cartes-mères, il n’y a pas de numérique » précise David Kithoko, président de l’association écologiste congolaise Génération Lumière.
Minerais de sang
Or le coltan se trouve principalement dans l’Est de l’ex-Zaïre, le long de la frontière avec le Rwanda et l’Ouganda, composant entre 60 et 80% des réserves mondiales. Ce qui ne peut qu’attirer les convoitises. « Il s’avère que dans les années 90, le continent africain avait été identifié par le secteur de la finance, par celui de la tech, par les grandes puissances mondiales comme pouvant largement alimenter cette révolution numérique » affirme le sociologue Fabien Lebrun, enseignant à l'université de Nantes.
Un lien s’établit donc entre l’essor du numérique et le pillage mortel de l’Est de la RDC, avec des estimations de décès oscillant entre six et dix millions de morts depuis 1996, sans compter les centaines de milliers de femmes congolaises victimes du viol comme arme de guerre - mettant ainsi à mal les structures sociales dans cette partie du pays et profitant aux multinationales, ainsi qu’au Rwanda voisin (...).
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