16/06/25

« "Prévenir ou interdire les réseaux sociaux : l’histoire de Lucie nous montre que c’est un faux débat" »

Tribune de Sabine Duflo, auteure d'Il ne décroche pas des écrans !, dans Le Figaro.

Refusant l’alternative présentée comme inéluctable entre éducation aux écrans ou interdiction par voie législative, la psychologue Sabine Duflo relate l’histoire d’une jeune fille qu’elle a reçue pour illustrer la complexité du piège que constituent les réseaux sociaux pour les adolescents.

Psychologue clinicienne et thérapeute familiale, Sabine Duflo a publié Il ne décroche pas des écrans : comment protéger nos enfants et nos adolescents (L’Echappée, 2020). Elle a également fondé le collectif «Surexposition écrans».

Pas un jour sans que les médias relatent les faits de violence de mineurs. Pour les garçons, la violence est le plus souvent agie : agression à l’arme blanche, passage à tabac, etc. ; pour les filles, elle est majoritairement subie, retournée contre soi : scarifications, tentatives de suicide, cyberharcèlement. Les mineurs sont devenus des bombes à retardement. Leur santé mentale ne cesse de se dégrader depuis quinze ans.

Les troubles du comportement font le quotidien de mes consultations avec les adolescents. Dans 99% des cas, je retrouve un facteur déclencheur identique : le téléphone, connecté toujours. Grâce à lui, le mineur, dès 10, 11 ans, parfois plus tôt, est dressé à l’agression ou la soumission via des applications gratuites qui exploitent ses faiblesses psychologiques dans une unique visée : s’enrichir.

Face à ce phénomène, les médias privilégient un traitement binaire du problème. Il faudrait soit éduquer, soit légiférer. Pour trancher ce débat, le plus éclairant est de partir d’histoires réelles. Prenons le cas de Lucie*, que je suis depuis ses douze ans et maintenant âgée de seize. Lucie a reçu son premier portable en sixième, mais a commencé à utiliser les réseaux sociaux un an plus tôt, à 10 ans, lors de vacances chez sa grand-mère. Ses parents venaient de se séparer, et elle se sentait seule, en manque d’affection de son père notamment.

Lucie, qui s’ennuie, télécharge au hasard un réseau social, Snapchat. Sa grand-mère lui prête son téléphone, et Lucie, déjà familiarisée avec les réseaux sociaux grâce à ses camarades, télécharge Snapchat. Elle commence rapidement à parler avec un inconnu, « une personne âgée », qui lui fait des compliments, lui dit « plein de mots gentils », lui pose « plein de questions » personnelles auxquelles elle répond spontanément. Rapidement, il lui demande des photos en lui expliquant comment faire. De son visage d’abord, puis de son corps dénudé. Lucie accepte de se photographier dans toutes les positions demandées même si elle ne comprend pas vraiment pourquoi (...).

Pour lire la suite : www.lefigaro.fr/vox/societe/prevenir-ou-interdire-les-reseaux-sociaux-l-histoire-de-lucie-nous-montre-que-c-est-un-faux-debat-20250616