30/12/22

« Vie de Brendan Behan, écrivain et républicain irlandais »

Préface de Confessions d'un rebelle irlandais de Brendan Behan signée Édouard Jacquemoud sur Ballast.

La plupart des photos qui ont été prises de l’écrivain, poète et dramaturge irlandais Brendan Behan le montrent la mine enjouée, une pinte de bière brune à portée de main. Si l’alcool faisait partie de son quotidien, au point de l’emporter à seulement 41 ans, on aurait tort d’en rester là pour dire sa vie agitée. Né à Dublin en 1923, soit deux ans après la fin de la guerre d’indépendance, l’auteur de Boarstal Boy et des Confessions d’un rebelle irlandais — dont le présent texte est la préface d’une récente réédition aux éditions L’Échappée —, a pris part à la résistance républicaine face aux forces britanniques d’occupation. Sa révolte était gouailleuse et sa tête, brûlée : la prison par deux fois, qu’il n’a pas manqué de raconter. Le jour de ses funérailles, l’IRA a escorté son cercueil : rarement foule fut plus nombreuse dans l’histoire irlandaise. ☰ Par Edouard Jacquemoud

Avec son gabarit de pilier de mêlée, abondamment nourri à l’irish stew et aux pintes de brown ale, mieux valait ne pas s’y frotter. Il serait pourtant exagéré de le réduire ainsi au stéréotype de la brute épaisse, bien qu’en la matière les Irlandais aient une réputation quelque peu bagarreuse à tenir. S’il savait jouer des poings pour remettre un emmielleur à sa place, il était plutôt d’un naturel affable1, toujours enclin à pousser la chansonnette ou à débiter une bonne histoire pour divertir l’assemblée. Et des histoires, il se trouve justement qu’il en avait de pleins tonneaux en réserve.

Né le 9 février 1923 dans un modeste foyer dublinois, Brendan Behan fait partie de ces auteurs dont le destin se révèle intimement lié à celui de la verte Érin. Au même titre que William Butler Yeats ou que James Joyce, il est presque impossible de retracer sa vie ou de saisir l’originalité de son œuvre sans prendre en considération les événements houleux qui n’ont cessé de secouer l’Irlande depuis des siècles. Dès sa plus tendre enfance, le petit Brendan s’est vu plongé dans le bain républicain en étant élevé dans un esprit de révolte et d’opposition farouche à la Couronne d’Angleterre. Les motifs en sont faciles à comprendre. Pour commencer, son père Stephen, peintre en bâtiment, est fait prisonnier durant la guerre civile de 1922 en raison de ses activités militantes au sein de l’IRA. Après un court séjour dans les geôles de Kilmainham, il recouvre la liberté mais n’abandonne ni ses convictions ni son engagement en faveur de l’autonomie irlandaise. Côté maternel, sans surprise, le son de cloche est peu ou prou identique, puisqu’on y cultive une hostilité tout aussi franche vis-à-vis de l’envahissant riverain britannique. Au lieu de faire parler la poudre comme son époux, Kathleen, la mère de Brendan, préfère tisser de solides liens d’amitié avec Michael Collins, considéré comme l’une des figures de proue du mouvement indépendantiste entre 1916 et 1922. Par-dessus le marché, son oncle Peadar Kearny n’est autre que le célèbre auteur de l’hymne irlandais « Amhrán na bhFiann » (« La Chanson d’un soldat »). En somme, chez les Behan, la politique est une affaire de famille (...).

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