18/02/23

« L’usine ou l’individu ? »

Recension de La Révolte luddite de Kirkpatrick Sale par Francis Pian dans Le Monde Libertaire.

La révolte luddite, voilà un titre bien mystérieux relatif à un mouvement apparu au début du 19ème siècle en Angleterre et bien oublié de nos jours. Pourtant des points convergent avec certaines luttes actuelles et donnent à réfléchir grâce au travail méticuleux de l’auteur, Kirkpatrick Sale, et des éditions L’Echappée.

Quelle est la cause du luddisme ? Selon l’auteur, l’industrialisme est inséparable de l’accaparement des ressources et de la perte des savoir-faire des professionnels. La révolution industrielle se traduit par une profonde misère et les tondeurs du Yorkshire, les tisserands des métiers à bras engagent une révolte contre les machines mais aussi et surtout contre les conséquences sociales du machinisme. Ils ont souvent été considérés comme des obscurantistes incapables d’apprécier le progrès. En réalité, ils protestaient contre la confiscation de la signification du travail. Cette approche se traduit aujourd’hui dans l’automatisation et le devenir d’un individu rouage de la machine. Chaplin l’a fort bien représenté dans Les temps modernes. Orwell en fera souvent état dans ses textes. « Si les machines industrielles rendent les ouvriers étrangers à la production, c’est parce que les machines de l’usine sont essentiellement conçues pour faire d’eux leur exécutants, privés de pensée et de parole. »

Le général Ned Ludd
La révolution industrielle, côté capitaliste, transforme les techniques mais c’est aussi un changement idéologique et culturel radical. Tout doit s’effacer devant le développement des sciences. Aussi, la réaction des femmes et des hommes du peuple provoque des bris de machines avec le soutien, dans les Midlands et les comtés du Nord, de la population dite émeutière. C’est un mouvement spontané sans chef, sans agitateurs. Difficile dans ces conditions d’arrêter les leaders, et le gouvernement tout comme ses forces coercitives ne parviendra pas à contrôler la situation, tant que le mouvement ne s’attaque qu’aux machines. Par provocation et /ou par intelligence, les luddites s’inventeront un chef, le général Ned Ludd inexistant, un mythe. Ils pratiqueront le secret, la solidarité et la confiance. Difficile de pénétrer ce milieu où l’on prête serment.

La bonne société britannique n’a que mépris à l’égard de ces révoltés qu’il faut dominer, selon elle. Seuls Charlotte Brontë et Lord Byron dénonceront les conditions de vie déplorables de cette population en voie de prolétarisation. Les actions décrites par Kirkpatrick Sale font écho aux Canuts en France, à des révoltes aux Etats-Unis. Plus tard, les sabotages en France se prolongeront dans une perspective révolutionnaire, une approche portée à Emile Pouget notamment (cf. Chronique Des idées et des luttes, 8 janvier 2023) (...).

Pour lire la suite : www.monde-libertaire.net/index.php?articlen=7050

Kirkpatrick Sale