Depuis le lancement de ChatGPT, fin 2022, je nourris une méfiance de principe à l’égard des IA génératives, troublé que j’ai immédiatement été par leurs résultats, puis par leur amélioration constante. Jusqu’alors, cela ne m’empêchait pas d’y avoir recours, même si c’était de façon très épisodique, quand je ne trouvais pas une information que je savais exister, ou quand je ne parvenais pas à reformuler une idée compliquée.

Les choses ont changé, à la fois du fait d’une réflexion au long cours sur les raisons de ma méfiance, et d’une sorte de confirmation de mes intuitions par le philosophe Éric Sadin dans son dernier essai Le Désert de nous-mêmes. Dans ce livre, Sadin, qui travaille depuis quinze ans sur les intelligences artificielles, alerte sur un certain nombre de ruptures induites par « le tournant intellectuel et créatif de l’intelligence artificielle » : « l’abandon, à grande vitesse, de l’usage de nos facultés fondamentales ; la mise en péril de la plupart des métiers intellectuels et créatifs ; et le spectre d’un régime de l’indistinction généralisée et d’une surdité croissante – et délétère – entre les (...).

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