04/01/23

« Pourquoi aimons-nous tant les muscles ? »

Entretien avec Guillaume Vallet, auteur de La Fabrique du muscle, par Julien Marteleur dans En marche.

Multiplication des salles de fitness, foyers équipés en appareils de musculation, corps exposés sur les réseaux sociaux et explosion des ventes de macronutriments... L'industrie du muscle est en plein essor. Pour Guillaume Vallet, si "le corps parfait" s'inscrit dans une construction de l'identité, il serait aussi perçu comme un capital à valoriser et faire fructifier. Dans un monde secoué par les crises et soumis aux dérives du capitalisme, produire du muscle serait l'ultime recours d’individus dépossédés pour exercer leur liberté et jouir d'un sentiment de contrôle.

En Marche : De la statuaire de l'Antiquité aux tableaux de la Renaissance, en passant par les héros stéroïdés des films hollywoodiens des années 80, le muscle a toujours fasciné l'être humain. Pourquoi ?

Guillaume Vallet : Le muscle incarne un ordre, une emprise, une maîtrise sur le monde environnant, c'est-à-dire une capacité de l'être humain à ne pas subir les évènements extérieurs. C'est le potentiel de l'humain qui devient visible à travers le corps (puissance, force, mouvement, esthétique, etc.). De façon très intériorisée, quasi subconsciente, le muscle renvoie à notre croyance en un élément de lutte et d'adaptation qui permet la survie et la reproduction de l'espèce humaine. L'esthétique a toujours joué un rôle important au sein des sociétés, notamment à travers l'art. L'esthétique du corps par le muscle a donc toujours été mise en évidence, même si les normes de beauté ont évolué à travers les âges.

E. M. : A contrario, le muscle n'est pas épargné par les préjugés. Beaucoup de gens distinguent notamment le muscle du cerveau. Il semblerait impossible d'être à la fois fort et intelligent...

G. V. : Dernièrement, l'humain a évolué vers une forme d'économie intellectuelle, que l'on pourrait qualifier de "capitalisme cognitif" ou de "capitalisme de la matière grise". Des secteurs comme les services ou les nouvelles technologies ont connu ces dernières décennies un véritable essor. L'importance de la force "brute", si essentielle à l'ouvrier ou à l'agriculteur dans son domaine d'activité, s'est progressivement réduite pour être de moins en moins valorisée. L'idée que le muscle et le cerveau sont incompatibles va donc s'imposer (...).

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Guillaume Vallet