« Les séries, la drogue du siècle »
Entretien avec Bertrand Cochard, auteur de Vide à la demande, par Keren Rose pour le podcast Contre-Addictions.
Cette semaine, nous explorons l'addiction aux séries avec Bertrand Cochard, philosophe.
💬 "Comme tout le monde, j'ai connu des moments où j'étais dépressif, c'est à dire des moments où j'arrivais pas à me motiver. Je n'arrivais pas à travailler. Et je dois dire que je me suis vraiment abandonné à ces tunnels fictionnels. Et c'était finalement la seule manière d'éviter d'avoir à penser à moi-même ".
Qui parmi nous n'a pas déjà sacrifié des heures, des jours, voire des mois dans ces labyrinthes fictionnels, à suivre les péripéties de héros fictifs, au point de perdre toute notion du temps ? Depuis le confinement, les plateformes de visionnage visionnaires se sont mises à déverser un déluge d’arches narratives et les abonnements se sont mis à grimper selon un scénario bien connu : celui de l’offre et de la demande. Sauf que la marchandise ici, à en croire notre brillant invité, c’est le vide. Aujourd’hui nous sommes des millions à consacrer notre temps, que l’on croit libre, à des récits savamment concoctés par des experts en captologie dont l'unique mission est de nous rendre accros dès les premières secondes. Et notre invité n'échappe pas à la règle. Agrégé et docteur en philosophie, il est aussi un sériephile repenti. « Les séries, et surtout les plateformes qui les accueillent sont conçues pour générer des comportements addictifs qu'elles ont en commun avec le smartphone, les réseaux sociaux et les jeux vidéo » écrit notre invité dans sa spectaculaire critique des séries "Vide à la demande" à laquelle j’adhère en partie depuis quelques temps déjà. Les séries sont devenues une drogue sur mesure qui épousent parfaitement les courbes statistiques de notre époque ; époque marquée par un manque de temps mais surtout de sens. Notre activité favorite, au XXIe siècle, est passive. Elle consiste à tuer le temps face à des écrans plats, comme le contenu qu'ils diffusent. Mais le sujet est bien plus vaste que la série elle-même, et le philosophe niçois en fait assez exhaustivement le tour. Il se questionne notamment sur la fonction qu’ont les séries dans nos vies. Que cherchons nous à faire ou plutôt, que cherchons nous à fuir ? Pourquoi « aller, juste un petit dernier après j’arrête ? ». Si, comme le disait Gilles Deleuze, la philosophie sert à lutter contre la bêtise, nous allons tenter de nous affranchir un peu de la nôtre, et peut-être aussi de celle des autres. Car nous sommes tous pris dans cet engrenage narratif, et s’il est presque trop tard pour en sortir nous pouvons tout de même nous demander si nous préférons contribuer au problème ou à la solution. Alors Merci, Bertrand Cochard, pour ce diagnostic rigoureux et sans concession qui va nous permettre, je l’espère, de réveiller quelques consciences !.
Pour écouter le podcast : https://lnk.to/CAS2Episode31