« Les hommes-livres : incursion littéraire chez les bouquinistes »
Extrait de l'article d'Alice Guillemard paru dans Brasero n°5 dans Challenges.
En marge de la société, à rebours du temps, au plus près de la littérature… Les bouquinistes semblent souvent appartenir aux livres plus qu’au monde. Exploration d’un véritable mythe littéraire.
Par Alice Guillemard, libraire aux Caractères, à Paris. Elle coécrit chaque année avec Jacques Baujard la rubrique « En chanson » de Brasero. Article paru dans la revue Brasero N°5, Novembre 2025 et publié en Carte Blanche dans la newsletter de Challenges « Le Plein d’Idées ». Pour vous inscrire, c’est ici.
Si vous décidiez, une nuit de mauvais sommeil, de vous lever un peu avant l’aube, de vous habiller chaudement et d’aller promener votre insomnie du côté des puces de Vanves, de Saint-Ouen ou du marché du livre ancien Georges-Brassens, vous pourriez rencontrer les bouquinistes en plein ravitaillement de marchandise, loin de leurs étals ou de leurs boutiques.
Ils arpentent, le caddie à la main ou la camionnette garée tout près, les allées d’un pas de connaisseur, hochent la tête en croisant les habitués, échangent les dernières nouvelles en retournant dans leur main un ouvrage, en le feuilletant d’un pouce, avant de le poser nonchalamment sur la pile des livres à acquérir. Mais le jour peu à peu met fin à cette chasse nocturne et rend les bouquinistes à leurs clients – bibliophiles, lecteurs et touristes –, les arrachant au mystère de la nuit pour les rendre au monde.
En lisant, quelque temps après, Zweig, Yonnet, Flaubert ou encore Simenon, vous tomberiez nez à nez avec un bouquiniste que vous jureriez avoir vu l’autre matin chiner à côté de vous. Ces drôles d’oiseaux s’envolent-ils des pages de nos romans ? C’est qu’on a rarement connu métier plus littéraire. L’imaginaire foisonnant qui les entoure reflète tout ce que nous projetons sur ces êtres détonants et libres, en marge de la société et même du monde du… livre, et à rebours de l’époque. Ils finissent par ne faire plus qu’un avec leur marchandise, engloutis par l’écrit, drôles de chimères faites de pâte humaine et de papier, des « hommes-livres », tout simplement (...).
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