15/03/22

« “Le vrai problème posé par les ‘déconstructionnistes’ est leur attaque de l’idée de nature” »

Entretien de Renaud Garcia, auteur du Désert de la critique par Samuel Lacroix dans Philosophie Magazine.

Dans Le Désert de la critique, qui vient de reparaître aux éditions de L’Échappée avec une nouvelle préface de l’auteur, le philosophe anarchiste Renaud Garcia s’attaque au courant de la déconstruction — par la gauche. Nous l’avons rencontré.

En 2015, vous avez sorti Le Désert de la critique. Déconstruction et politique, qui a connu un certain retentissement et auquel vous venez d’adjoindre une préface conséquente. De quoi parle ce livre ?

Renaud Garcia : J’ai commencé par constater qu’un nouveau vocabulaire imprégnait les milieux de critique sociale et culturelle, que la notion de déconstruction, à l’origine seulement liée à une technique originale de lecture des textes, devenait une forme d’impératif militant : il fallait déconstruire les choses, se déconstruire aussi, et les militants se déchiraient à ce propos. L’objectif du livre était de remonter du symptôme jusqu’à la maladie. Je suis donc allé relire les philosophes de la déconstruction (Derrida d’abord, puis Foucault et Deleuze), car, s’ils n’étaient pas nommément cités (ce qui arrivait souvent), leur pensée critique se trouvait décantée et réduite à des « trucs », des procédés permettant de pointer certaines zones d’ombre de la critique sociale. Tel ce raisonnement devenu gimmick : ce que vous considérez comme originaire, principiel ou encore naturel, est toujours déjà le résultat d’une histoire, voire un effet de discours. D’où la possibilité de critiquer, mécaniquement, dans toutes les sphères sociales, voire à toutes les époques, le « patriarcat », l’ « hétéronormativité », la « blanchité », etc. Six ans plus tard, je me suis rendu compte que ce que j’avais limité à des courants de gauche extrême passe quasiment pour une pensée « émancipatrice » de sens commun. J’ai élargi le champ à partir d’expériences vécues ou étudiées dans diverses sphères : les écoles d’art, les chanteurs populaires, les séries, les réseaux sociaux… pour exposer combien ce registre critique issu de philosophies souvent abstruses pour les profanes s’était désormais largement diffusé, non sans une déperdition en qualité intellectuelle, il faut bien le reconnaître (...).

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