14/07/21

« La résilience est la nouvelle religion d’État »

Entretien avec Thierry Ribault, auteur de Contre la résilience, sur le site de Sciences Critiques.

Alors que la catastrophe nucléaire de Fukushima se poursuit, dans l’indifférence quasi générale, depuis plus de dix ans maintenant, le gouvernement japonais a mis en œuvre, dès le lendemain de l’accident, une « politique de résilience » enjoignant la population à vivre, quoi qu’il en coûte, avec la contamination radioactive, au péril de nombreuses vies humaines. C’est cette nouvelle « idéologie de l’adaptation », cette dernière-née des « technologies du consentement », que Thierry Ribault analyse et critique sans concession dans son livre Contre la résilience. A Fukushima et ailleurs (L’Echappée, 2021). A l’heure du dérèglement climatique et de la pandémie de Covid-19, le sociologue met en garde contre cette énième « imposture solutionniste de notre époque ».

Sciences Critiques – Pourquoi avez-vous écrit ce livre ? Vise-t-il, à travers l’analyse de la politique de résilience mise en œuvre par le gouvernement japonais après l’accident de Fukushima, à (re)politiser la question du nucléaire et ses risques dans nos sociétés industrielles ?

Thierry Ribault – Je rends hommage à Nadine Ribault, avec qui nous avons fait paraître en 2012 Les Sanctuaires de l’abîme. Chronique du désastre de Fukushima. Jusqu’aux dernières semaines précédant sa mort, le 15 janvier 2021, après deux ans de soin pour un cancer des voies biliaires, sa résolution à combattre ce qu’elle appelait la « contre-vie », et la justesse de ses visions du monde, ont donné à ce Contre la résilience. À Fukushima et ailleurs, ce qu’il peut avoir de plus pertinent.

Il n’existe désormais plus aucune catastrophe, personnelle ou collective, dont les défenseurs de la résilience ne se saisissent en exhortant chacun à faire de sa destruction une source de reconstruction, et de son malheur celle de son bonheur.

Le désastre de Fukushima n’y échappe pas, même si, l’idée de base des partisans de l’accommodation, selon qui être résilient signifie non seulement être capable de vivre malgré l’adversité et la souffrance, mais surtout être capable de vivre grâce à elles, de grandir et s’adapter par la perturbation et la rupture, est en réalité inapplicable dans le monde de la radioactivité, comme dans nombre de situations d’exposition toxique ou de contamination.

La critique de la politique de résilience à Fukushima est une heuristique pour comprendre comment et pourquoi les politiques publiques prétendant répondre aux désastres du techno-capitalisme – des politiques anti-Covid-19 aux plans de lutte contre le réchauffement climatique – s’inscrivent dans cette nouvelle religion d’État qu’est la résilience.

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Thierry Ribault