28/07/21

« L'administration du désastre »

Recension de Contre la résilience par Timothée de Rauglaudre dans Le Monde diplomatique (août).

«Tout porte à croire que la résilience est à l’humain ce que Bugs Bunny est au lapin. » Thierry Ribault a découvert la résilience à Fukushima. Là-bas, cet art du « vivre avec » a été érigé en politique d’État après la catastrophe nucléaire. Il est devenu un nouveau paradigme mondial, promu en France par les collapsologues de l’Institut Momentum ou par M. Emmanuel Macron.
On connaissait la nature néolibérale de la résilience, en ce qu’elle déresponsabilise l’État pour mieux responsabiliser les individus. L’originalité de la thèse de l’auteur est de montrer que, loin d’être neutre, cette « administration du désastre » a un coût social, en culpabilisant les victimes et en retardant la lutte contre les racines du mal. Ainsi, à Fukushima, on pousse désormais les réfugiés du nucléaire à regagner leur région natale toujours contaminée. Les mères inquiètes pour la santé de leur enfant sont qualifiées de « radiophobes » ou de « mamans irradiées de la cervelle ». On l’aura compris, cet essai dense au ton pamphlétaire s’oppose frontalement à cette « technologie du consentement » qui voudrait changer l’homme en « Novhomme » apte à souffrir sans broncher, pour que rien ne change.

Thierry Ribault