« Folies d'Espagne en clair-osbcur »
Recension de Folies d'Espagne de Freddy Gomez par Dominique Sureau dans Alternative Libertaire.
Est-il sensé d’espérer recenser une somme de recensions ? Il est tentant de passer son chemin et de se contenter de la note de l’éditeur, mais ce serait passer à côté de nombreuses réflexions critiques dont Freddy Gomez accompagne ses écrits.
Penseur iconoclaste, l’auteur déboulonne les plus grands mythes de la pensée anarchiste, démythifie les grands personnages de la Révolution espagnole, comme Durruti, non pour le plaisir destructeur, mais pour leur donner toute la saveur de l’humanité, ni trop petite, ni trop grande, juste comme il faut. Il interroge la participation des ministres anarchistes [1], les instances de la FAI [2], les positionnements des uns et des autres.
Cette collection d’articles, parus pour certains dans la revue À Contretemps ou non publiés jusqu’alors en langue française, s’écoule sur la période de 1993 à 2013, soit vingt années de réflexions d’un grand intérêt politique. Ces folies d’Espagne sont autant de variations, entre ombres et lumières, qui parcourent l’histoire de cette Révolution que narre si bien l’auteur. Freddy Gomez, cette Espagne libertaire, il l’a « tétée au berceau ». Elle a accompagné son enfance. Fils de l’exil et de l’exilé libertaire, il a côtoyé les militants de cette époque. Les écrits et les débats qui accompagnaient les libertaires d’alors furent son lot quotidien. Aussi ses réflexions sont riches d’enseignements.
Comme il l’écrit si bien : « L’histoire, c’est l’écriture que le présent fait du passé. » À son tour, il se livre à cet exercice d’inventaire critique de la période révolutionnaire qu’il est difficile de résumer ici. Freddy Gomez analyse la mythologie de la révolution dont s’abreuvent les libertaires pour y puiser références et énergies. Comme l’auteur le résume si succinctement, il « s’attache à comprendre cette complexité le plus contradictoirement, sérieusement et honnêtement possible, c’est-à-dire sans vision préconçue, sans œillères ni lunettes idéologiques… »
L’exercice de réflexions est difficile tant les mythes obscurcissent la raison et il faut admettre « qu’aucune grille de lecture simplificatrice ne parvient à saisir l’extraordinaire difficulté du moment, où du jour au lendemain, une révolution de type libertaire passe du rêve à la réalité. Et dans le cas de l’Espagne, à une réalité contraire au rêve puisque cette révolution n’adopta pas la forme d’un assaut contre le vieux monde, mais découla d’une résistance imposée à un coup d’État militaire contre la légitimité d’une “république de toutes les classes”… [que] les anarchistes savaient bourgeoise. »
Freddy Gomez dresse un inventaire critique des succès, mais aussi des échecs de ce formidable temps de construction sociale, fait d’ombres et de lumières, un clair-obscur. Ses interrogations sur le positionnement des élites libertaires s’accompagnent de considérations sur les potentialités politiques de la base. Il se questionne également sur le rapport de la théorie à la pratique, sur le rapport idéel à la réalité, sur l’anarchisme de guerre et bien d’autres sujets encore. Un livre à lire, à parcourir pour essayer de pénétrer cette époque et ses contradictions (...).
Pour lire la suite : www.unioncommunistelibertaire.org/?Lire-Freddy-Gomez-Folies-d-Espagne-Ombres-et-lumieres-d-un-anarchisme-de-guerre