01/08/20

« Qu'est-ce que l'écoféminisme ? »

Recension de Être écoféministe de Jeanne Burgart Goutal par Justine Canonne dans Sciences Humaines (Août-Septembre).

« Écologie » et « féminisme » : telle est la combinaison qui a donné lieu au terme « écoféminisme ». Un mouvement qui a la spécificité d’articuler étroitement ces deux notions. Que postule l’écoféminisme ? Qu’il existe des liens entre la domination masculine et le modèle économique responsable de la crise écologique, que l’oppression des femmes dans les sociétés patriarcales et la destruction de la planète ne sont pas des phénomènes distincts mais relèvent d’une même matrice idéologique. Elles sont « deux formes de la même violence », pointe l’écoféministe chilienne Mary Judith Ress, citée par la philosophe Jeanne Burgart Goutal, auteure du récent Être écoféministe. Théories et pratiques (1). Ainsi, il est impossible de se contenter de réformes et luttes ciblées : c’est plutôt une révolution écologique globale qui permettrait d’abolir les structures de domination.

Particulièrement actif aux États-Unis dans les luttes des années 1980 contre le nucléaire, la pollution et la mondialisation, l’écoféminisme a des racines françaises, puisqu’il est né durant la décennie précédente, sous la plume de la philosophe et militante Françoise d’Eaubonne. Si l’écoféminisme a rapidement essaimé dans le monde anglo-saxon, il n’a en revanche pas connu le même destin sur le sol français, où il fut accusé d’essentialisme, en raison du parallèle qu’il opère entre femmes et nature. Or, « les féministes françaises, imprégnées de la pensée de Simone de Beauvoir, se méfient bien trop de l’idée de nature pour s’engouffrer pleinement dans la direction de l’écoféminisme », explique J. Burgart Goutal dans son essai.

Ailleurs, ses inspirations – et inspiratrices – sont nombreuses, allant de la lutte anticoloniale, avec la militante indienne Vandana Shiva, jusqu’au féminisme radical d’une Susan Griffin, ou d’influence marxiste de Silvia Federici, à l’écologie sociale d’Ynestra King, en passant par la philosophe Carolyn Merchant ou l’écrivaine et sorcière Starhawk… Un « patchwork bigarré », observe J. Burgart Goutal, et vivace, qui réémerge à la faveur de l’urgence écologique et des luttes féministes actuelles.

NOTES

1. Jeanne Burgart GoutalÊtre écoféministe. Théories et pratiques, L’Échappée, 2020.

https://www.scienceshumaines.com/qu-est-ce-que-l-ecofeminisme_fr_42494.html