01/12/22

« De simple outil, le corps est devenu une ressource valorisable en capital »

Entretien avec Guillaume Vallet, auteur de La Fabrique du muscle, par Jean-Baptiste Mallet dans L'Humanité Magazine.

L’économiste Guillaume Vallet, également culturiste, publie « la Fabrique du muscle », dans lequel il théorise un « capitalisme des vulnérabilités » qui se serait bâti sur les insécurités des personnes et montre en quoi la construction corporelle répond à des enjeux liés au travail.

Salles et magasins de sport, boutiques de nutrition, exhibitions de corps musclés sur les réseaux sociaux... Dans les pays occidentaux, la production du muscle mobilise d’importants moyens et occupe une nébuleuse d’acteurs. Maître de conférences en sciences économiques à l’université Grenoble-Alpes, Guillaume Vallet est également culturiste. Dans son dernier ouvrage, « la Fabrique du muscle », il analyse la fascination pour cette « production de matière » et l’étudie comme un véritable travail de l’individu sur lui-même.

En plus d’être maître de conférences en sciences économiques, vous pratiquez vous-même le culturisme. Pourquoi avez-vous décidé d’écrire une critique de la « fabrique du muscle » ?
En tant que pratiquant, ce sport me semblait posséder une dimension « extrême », jusqu’au-boutiste, qui me paraissait intéressante à décrypter, car nous vivons dans un monde valorisant la performance, la beauté, la perfection, l’apparence de la santé... Je souhaitais analyser la question de la masculinité associée à cette pratique. J’ai cherché à comprendre pourquoi ce « rapport au corps » est devenu une pratique de masse aujourd’hui, et quel lien il entretient avec le système capitaliste dans le quel nous vivons. Nous vivons dans ce que j’appelle le « capitalisme des vulnérabilités », marqué socialement par des peurs et de l’incertitude, et caractérisé techniquement par le pouvoir de la technologie. Cela incite des individus à  considérer que leur salut passerait par la production d’un « hypercorps », ce qui crée de nouveaux espaces d’accumulation du capital : coaching, salles de sport, produits nutritionnels, firmes globales produisant des équipements sportifs, réseaux sociaux, etc (...).

Pour lire la suite : www.humanite.fr

Guillaume Vallet