20/03/23

« L’anarchie pour sauver la planète ? »

Recension des Racines libertaires de l'écologie politique de Patrick Chastenet par Rob Grams dans Frustration.

Quand on pense écologie on pense parfois (souvent) aux bureaucrates politiciens ahuris du type Yannick Jadot, à un mode de consommation valorisé par la petite bourgeoisie urbaine qui en fait un “lifestyle”, ou encore à un certain nombre de mots creux et de politiques inutiles mis en avant par les institutions et par les grandes entreprises.  Pourtant le capitalisme, en plus de nous voler les fruits de notre travail, détruit notre environnement à une telle vitesse que c’est, à terme, la survie même de l’espèce qui est aujourd’hui posée. Comment articuler les différents enjeux auxquels nous faisons face : le durcissement autoritaire, l’accroissement des inégalités, le patriarcat et la catastrophe écologique ? Une pensée peu connue, l’anarchisme, et plus spécifiquement sa tendance écologique, qui promeut l’auto-libération des travailleuses, des travailleurs, qui s’oppose à l’Etat et à toute forme de rapport hiérarchique, tout en questionnant notre rapport à la technique et à la nature, peut nous donner des pistes. C’est notamment ce que propose Patrick Chastenet grâce à son ouvrage Les racines libertaires de l’écologie politique publié à l’Echappée.

Pour s’intéresser à cet éco-anarchisme, ce dernier a choisi cinq auteurs aux parcours très différents mais proposant tous une critique radicale du capitalisme plutôt que des solutions réformistes d’aménagement, de “protection de l’environnement”. Si ces auteurs ont tous un fort intérêt, on aurait aussi aimé découvrir la pensée de femmes anarchistes sur ce sujet, c’est notre principal (et gros) regret vis-à-vis de l’ouvrage…

On y trouve d’abord Elisée Reclus, géographe du XIXe siècle, qui se déclarait “anarchiste communiste”, qui vivait en union libre et qui fut capturé les armes à la main durant la Commune de Paris. 

Cet ouvrage est également une plongée dans la pensée “bordelaise” puisqu’on y découvre les travaux de Jacques Ellul, qui fut le professeur et ami de P. Chastenet, mais aussi ceux de Bernard Charbonneau qui rêvait de faire de Bordeaux le “foyer de l’écologie mondiale”.

Ivan Illich est le quatrième penseur traité dans le livre : ce prêtre (!) né à Vienne et ayant étudié la philosophie et la théologie à Rome, connu pour ses prises de positions souvent hétérodoxes au sein de l’Eglise catholique (opposé à l’idée de supériorité du mode de vie occidental, défendant la contraception…), fût un des intellectuels les plus influents des années 1970, animant des conférences en Amérique latine auprès de publics constitués de guérilleros, de militants d’extrêmes gauche, de chrétiens proches de la théologie de la Libération – ce qui suscita le vif intérêt de la CIA. Il est aujourd’hui considéré comme “un des penseurs majeurs de l’écologie politique et de la décroissance”. 

Le dernier, et sûrement celui qui nous a le plus intéressé à Frustration, est Murray Bookchin, décrit par l’auteur comme “sans doute le plus anarchiste des écologistes et le plus écologistes des anarchistes”, ce qui a sûrement à voir avec son extraction sociale, lui qui fut ouvrier fondeur, puis a travaillé dans l’automobile à Général Motors. Né de parents juifs russes et immigrés pour fuir la répression tsariste, Bookchin rejoint les jeunesses communistes à seulement 9 ans, apprend dès son plus jeune âge la pensée marxiste à la Workers School of Manhattan avant de rompre avec eux au moment du pacte germano-soviétique.  A partir de 1968, il se rend régulièrement dans le Vermont, un des Etats les plus à gauche des Etats-Unis, où il exerce une forte influence (c’est aussi là qu’il se fâchera avec Bernie Sanders, à qui il reproche des arrangements avec des promoteurs immobiliers). C’est également l’époque où il s’intéresse au féminisme radical et commence à enseigner à l’Alternative University de New York, une école sans note ni diplôme. Il enseignera ensuite dans d’autres endroits, dénotant de la bourgeoisie universitaire jusque par son attitude (blouson de cuir, baggys, mangeant au Macdo…) bref continuant de vivre comme sa classe. Il fonde par la suite le Left Green Network visant à “ancrer l’écologie dans l’anticapitalisme libertaire” (...).

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