02/05/21

« Une réflexion originale et stimulante au croisement d’une critique de l’architecture, du béton armé et du capitalisme »

Recension de Béton d'Anselm Jappe par Frédéric Thomas dans Dissidences.

L’écroulement du viaduc Morandi à Gênes, en août 2018, constitue « l’élément déclencheur » (page 7) de ce court essai  d’Anselm Jappe, théoricien de la critique de la valeur, et auteur notamment de La Société autophage (La Découverte, 2017)[1]. Voyant, dans cet accident, du fait de la faible durée de vie de ce type de construction en béton armé et du coût (anti-)économique de son entretien, « un cas d’école de l’obsolescence programmée », l’auteur offre dans ce livre des « considérations éparses » (page 8), au croisement de l’esthétique et de la théorie politique.   

C’est du béton armé, matériau composite – du béton avec une armature d’acier –, « inventé au XIXe siècle et dont l’usage s’est généralisé après la Première Guerre mondiale, et encore plus après la Seconde Guerre mondiale » (page 22), au point, aujourd’hui, d’occuper une place centrale dans les constructions, qu’il s’agit ici. Ces dernières années, le béton armé a connu une croissance exponentielle, en lien direct avec la montée en puissance et l’urbanisation de la Chine. Après une rapide synthèse historique, Anselm Jappe explore les divers impacts négatifs du béton armé – pour la santé, le climat, l’environnement, etc., notamment en boostant l’extraction de sable pour sa production, qui a donné lieu à un gigantesque marché noir (pages 95 et suivantes) –, tout en ciblant particulièrement son « péché le plus grave » ; celui d’« avoir rendu possible l’architecture moderne » (page 110). Car, parler du béton, c’est inévitablement évoquer l’architecture moderne et l’urbanisme. Or, pour l’auteur, « la critique de l’architecture, et du béton en particulier, constitue le point de jonction idéal entre la critique du capitalisme, en tant que système économique et social, et la critique de la société industrielle » (page 193).  

Béton. Arme de construction massive du capitalisme réalise un rapide tour d’horizon des mouvements artistiques, du futurisme au constructivisme, en passant, par le « brutalisme » (en référence au « béton brut ») – sorte de perversion de l’une des idées principales du constructivisme des années 1920 : rendre visibles les structures au lieu de les cacher honteusement sous des revêtements » (page 70) – et, bien sûr, par Le Corbusier. Pour ce dernier, en effet, le béton armé représenterait « l’arme idéale » afin de réaliser sa conception d’une ville entièrement mise au service du travail, et ayant opérée la coupure avec la nature (pages 50 et suivantes). Et l’auteur de revenir sur la critique de l’urbanisme, en général, et de Le Corbusier, en particulier, développée par l’Internationale situationniste (IS).  

Pour lire la suite : www.dissidences.hypotheses.org/14232

 

Anselm Jappe