« Un beau parcours de vie »
Recension de Passages de Georges Navel par Francis Pian dans Le Monde Libertaire.
Georges Navel, rappelons-le, est un écrivain prolétarien libertaire français, manœuvre, ajusteur, terrassier, ouvrier agricole, apiculteur, correcteur d’imprimerie à Paris. Un parcours de vie étonnant qui alimente ses livres.
Les éditions L’Echappée nous proposent Passages dans leur collection Lampe tempête dirigée par Jacques Baujard. Roméo Bondon dans son introduction insiste : « Laborieux, Georges Navel l’était à coup sûr. Syndicaliste quelques années, communiste libertaire tout au long de sa vie, son investissement politique ne fait aucun doute. Mais réduire ses écrits à un simple témoignage serait passer à côté de la poésie qui s’en dégage et ferait peu honneur à la démarche qui les sous-tend. » Les écrits de Navel traduisent du vécu.
Nous sommes en Moselle, à Pont-à-Mousson. Nous l’accompagnons dans son enfance, les jeux, les odeurs, les saveurs, les gestes, la vie à la campagne. Les personnages sont croqués en quelques mots, on pourrait les reconnaître dans le long village rue typique de Lorraine pratiquant les coutumes des champs, dans ce village de Maidières.
Plus dur, l’usine des forges où travaille son père. Les conditions de travail plus que difficiles, la réaction du frère, Lucien, syndicaliste, militant anarchiste, anticlérical, il s’oppose à son père qui accepte sa situation presque par patriotisme comme nous l’avons lu dans Parcours.
Un superbe témoignage d’histoire populaire et de sociologie
La guerre, Navel connaît déjà celle de 1914, l’arrivée des uhlans, l’occupation, les blessés. Cela devait aller vite. Et puis tout le monde en a marre. « Les territoriaux, eux aussi, en avaient assez de cette guerre qui ne devait durer, d’abord, que le temps d’une promenade à Berlin. » Les classes sociales se mêlent tout comme les origines et les métiers, un des effets de la Grande guerre. Pour protéger les enfants, ceux de Lorraine sont envoyés en Algérie. La découverte de ce pays, de ses coutumes est passionnante. Retour en France, l’arrivée à Lyon, les ateliers, le travail, le syndicalisme. Cette partie de l’ouvrage est un superbe témoignage d’histoire populaire et de sociologie. On retrouve aussi les débats sur la nécessité de la guerre ou pas. Des anecdotes comme la découverte d’un indic comme d’habitude plus vindicatif et virulent que les autres.
Un point intéressant remis au goût du jour par quelques groupes de la Fédération anarchiste : les causeries populaires. « Ils rassemblaient des hommes chez qui la lecture est une passion, sans oublier de souligner que ces camarades avaient aussi d’autres traits communs : la générosité, l’esprit de révolte, leur idéalisme. »
Un autre trait du temps : la relation de la grande manifestation unitaire du 1er mai 1919 dans l’ignorance des activités de la Tchéka. Rapidement, les débats deviendront vigoureux entre les Moscoutaires et les autres. Pour renforcer la culture militante, se développe une école des jeunes ouvriers par la CGT.
Ainsi une fresque des activités politiques et syndicales mentionnant des militants oubliés aujourd’hui alternant avec la vie familiale et personnelle de Georges Navel. Un beau parcours de vie.
Les ouvrages de Georges Navel connaissent des rééditions récentes et c’est heureux. J’avais présenté dans la chronique Des idées et des luttes du 30 mars 2025, https://monde-libertaire.net/index.php?articlen=8292 deux de ces livres :
Parcours
Ed. Gallimard, coll L’imaginaire, 2025
Près des abeilles
Ed. Gallimard, coll Le sentiment géographique, 2025
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