« Séverine : journaliste insurgée, "avec les pauvres, toujours !" »
Recension de L'Insurgée de Séverine par Matthieu Delaunay sur Mediapart.
Avec L'Insurgée, les éditions l'Echappée rendent un superbe hommage à Séverine, pionnière des journalistes française, disciple et amie de Jules Vallès et l’une des grandes figures de l’histoire des mouvements révolutionnaires. Notes de lecture.
Il a souvent été question ici ou là des Éditions l’Échappée, cette maison qui tient les livres si haut qu’elle s’est mise en tête d’en éditer de nouveaux. Tous sont beaux, la plupart importants. Vous y trouverez des textes anciens et des propos neufs, toujours du côté de la critique sociale, toujours contre le numérique, pointe de diamant de l’industrie. C’est une maison qui donne à penser et souhaite aussi nous récréer. En nous promenant, de collection en collection à travers les époques, elle souhaite nous rappeler que d’autres avant nous ont déjà pensé et dit ce que nous ressentons. Vertigineux : à quoi bon continuer, puisque tout à déjà été dit et tenté ; rassurant aussi : nous ne sommes pas seuls à tressaillir de dégoût face à ce que la société industrielle génère, ranime à chaque innovation.
Dernière lecture en date, L’insurgée, publiée, dans la collection Lampe-Tempête menée de main de maitre par Jacques Baujard, un libraire comme on n’en fait peu. Auteur d'un texte remarquable sur l’immense Panaït Istrati, il pose parfois ses livres pour se faire orpailleur. Pour nous, il déniche les pépites, des lumières pour éclairer nos nuits vidées d’espoir. Son travail érudit de redécouverte de textes de fiction méconnus ou oubliés, galvanisés de commentaires critiques et politiques, permet de voyager du Mexique à l’Irlande, des rivages de la Méditerranée aux confins ukrainiens. Mais revenons à Paris pour rencontrer L’insurgée, ou Caroline Rémy, plus connue sous le nom de Séverine. La première des grandes journalistes françaises. En fait une des plus grands journalistes de son temps. C'est aux côtés d'un Jules Vallès souffrant qu'elle a affuté sa plume, avant de reprendre la direction du journal qu'il avait créé, Le Cri du peuple. Première femme – encore – à diriger un quotidien national. Des premières, elle en sera plusieurs fois. Et toujours du côté des pauvres ! Et des femmes aussi, une évidence pour celle qui s'est si peu trompée de combats.
De ses 6 000 articles parus dans des dizaines de journaux aux lignes parfois divergentes, L'Insurgée s'est concentrée sur quarante-cinq morceaux de choix. Il y a d'abord, pour qui veut faire un peu d'histoire, les adresses étonnantes rendues à quelques grands noms de l’époque (Jules Vallès, Sarah Bernhardt, Emile Zola, Victor Hugo, Jean-Baptiste Clément ou Louise Michel). Mais c’est sans doute Anarchie – Les dernières heures des quatre condamnés à mort suite à la manifestation du 4 mai 1886 à HayMarket – ; Le droit à l'avortement ; Histoire de chiens – un plaidoyer pour la défense des animaux – ; Tueurs de femmes – sur les violences conjugales – ; Choix de mortes – Sur le drame de Fourmies en 1891 – ; Les casseuses de sucre – un reportage auprès d’ouvrières grévistes d’une usine de sucre – ; ou Les bienfaits de la civilisation – contre l’expansion coloniale – ; qui happeront la lectrice, édifieront le lecteur. Florilège (...)
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