19/07/23

« On ne peut qu’être d’accord avec la conclusion de l’auteur de ce beau livre »

Recension des Racines libertaires de l'écologie politique de Patrick Chastenet par Mickaël Lowy dans En attendant Nadeau.

Cet ouvrage intéressant et richement documenté nous propose une analyse de cinq auteurs de culture libertaire précurseurs de l’écologie politique : Élisée Reclus, Jacques Ellul, Bernard Charbonneau, Ivan Illich et Murray Bookchin. Tandis que Reclus, Ellul et Bookchin se réclament explicitement de l’anarchisme, les deux autres relèvent plutôt d’une culture libertaire au sens large. Comme l’explique l’auteur, il s’agit davantage d’un « panthéon personnel » que d’une entrée dans un dictionnaire encyclopédique.

Tout semble séparer ces penseurs : Ellul est un théologien protestant, Illich un prêtre catholique, Charbonneau un agnostique, Reclus et Bookchin des athées. Ellul, Illich et Charbonneau sont des critiques implacables du système technique, tandis que Bookchin croit au rôle libérateur de la technologie moderne ; Ellul et Bookchin admirent les anarchistes espagnols de 1936-1937, Charbonneau ne voit dans leur expérience qu’une reproduction à petite échelle de la révolution soviétique. Charbonneau, Ellul et Illich sont néomalthusiens, Reclus et Bookchin, des adversaires déclarés de Malthus et de ses disciples.

Cependant, ils n’en présentent pas moins beaucoup d’aspects communs : l’opposition libertaire à l’État, à la domination, à la hiérarchie ; la critique écologique du productivisme, du consumérisme, et du culte du « progrès » illimité ; la recherche d’une alternative qui part du local,  de petites unités autogérées.

Communard de 1871, anarchiste communiste, géographe humaniste, critique de la soumission de la nature à la logique marchande, Élisée Reclus rêvait d’un jour où « tous les humains jouiront de l’air frais, de la clarté du soleil,  du parfum des roses ». Comment faire ? Il propose de « faire fleurir une petite oasis de paix, de respect mutuel, d’égalité au milieu de l’immense désert ». Selon l’auteur, cette proposition était partagée, sous une forme ou une autre, par tous ces écologistes libertaires. Elle me semble justement le point faible d’une démarche par ailleurs souvent intéressante et séduisante.

Jacques Ellul, anarchiste croyant, « avec Dieu, sans Maître », disciple (dissident) du personnalisme d’Emmanuel Mounier, aide en 1936 les anarchistes espagnols à se procurer des armes ; pendant l’Occupation, il participe à la Résistance comme agent de liaison. Partisan d’un socialisme ascétique et d’une austérité révolutionnaire, il voit dans le système technique, devenu autonome et universel, le responsable des désastres du monde moderne. Il propose de s’inspirer de l’exemple des sociétés traditionnelles, qui consomment moins et travaillent peu,  pour refuser la croissance illimitée, les gadgets inutiles promus par le matraquage publicitaire, le « délire automobile ». La tâche des écologistes – comme mouvement, pas comme parti politique – serait de créer des petits groupes autogérés fondant une contre-société à l’intérieur de la société globale, plutôt que de prendre le pouvoir par en haut (...).

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