28/10/21

« Nous sommes dans une société où chacun est livré à lui-même »

Entretien d'Eric Sadin autour de Faire sécession, avec Kévin Boucaud-Victoire, dans Marianne.

Comment reprendre le contrôle de nos vies ? C'est la question que pose Éric Sadin, dans son dernier ouvrage, « Faire sécession ». Pour le philosophe, connu pour son analyse fine de la numérisation du monde, il n'y a plus rien à attendre des élections, ni de l'insurrection alors que l'État providence se réduit comme peau de chagrin face au néolibéralisme. Selon lui, la seule solution est d'organiser une sécession collective. Rencontre… et explications.

Marianne : Qu’est-ce qui ne va pas, selon vous, dans la société actuelle ?

Éric Sadin : Nous vivons un moment fait de désillusions successives, d’impressions de saturation et d’inutilité de soi. Il devient, dans ces conditions, difficile de croire à l’ordre commun, aux institutions et aux structures politiques traditionnelles. En même temps, lors de chaque élection présidentielle, malgré toutes nos déconvenues passées, nous voulons de nouveau y croire. Nous misons sur des candidats prenant des allures de figures providentielles et promettant de nous sauver de la plupart de nos maux. En outre, depuis la crise du Covid, nous espérons bien trop un retour de l’État-providence, comme voué à résoudre tant de difficultés de l’époque.
Pourtant, nous ne cessons de nous rendre compte que la « grande politique », ce que Rousseau appelle « la politique de la généralité », est incapable de répondre à l’ampleur de toutes nos difficultés vécues au quotidien. Notamment du fait de nouvelles instances de pouvoir qui ont émergé ces quarante dernières années. Le monde économique a enrégimenté divers secteurs de la société, soumettant les individus à ses lois toujours plus implacables. En cela, il s’est opéré un déplacement de nombre d’enjeux politiques sur notre vie la plus quotidienne, sur les modalités de travail, les méthodes de management, également du fait de l’immixtion de l’industrie du numérique dans nos vies individuelles et collectives. C’est à cette enseigne que ce livre s’attelle à redéfinir ce que suppose – en ce moment si particulier de l’histoire – « la bonne expression de notre condition politique ». [...]

Pour lire la suite de l'entretien : https://www.marianne.net/agora/entretiens-et-debats/eric-sadin-nous-sommes-dans-une-societe-ou-chacun-est-livre-a-lui-meme

Éric Sadin