19/01/22

« Ne plus rougir de vouloir abolir la pornographie »

Recension de La Séduction pornographique de Romain Roszak par Francine Fréjus dans modes d'emplois (n°76, hiver 2022).

Mais enfin, alors que la pornographie était encore particulièrement marginale il y a trente ans, elle est devenue une consommation courante. Pire, dans certains milieux, pour certains médias, en consommer devient à ce point naturel que ne pas le faire manifesterait un problème à régler et qu’il faudrait se soucier qu’une partie de la population y soit encore rétive. Et bien les excellentes éditions L’Échappée ont encore frappé fort avec La Séduction pornographique. L’auteur, Romain Roszak, soumet l’explosion de l’offre et de la consommation pornographique à la grille de lecture du sociologue marxiste Michel Clouscard. La thèse est simple, mais amplement argumentée : le capitalisme a sans cesse besoin de nouveaux marchés à dévorer pour continuer à exister, quitte à remettre en cause les champs qui auparavant relevaient de la transgression morale
ou de la décence commune. Mais Romain Roszack contextualise son propos en rappelant dans une première partie les différents points de vue concernant la pornographie : logique coercitive, culture du viol, mal nécessaire ou perspective émancipatrice. L’auteur met ces différentes analyses dos à dos en développant sa théorie selon laquelle la pornographie s’accompagne nécessairement d’une dissimulation de l’extorsion du travail d’autrui, ce nouveau marché faisant la part belle à un contenu gratuit sur des plateformes de streaming largement accessible. Prétendre que les acteurs sont correctement rémunérés pour un travail anodin devient impossible une fois admises les conditions de travail qu’implique ce contenu massivement gratuit.
Et si l’on continue à soulever le voile, on en arrive rapidement à comprendre que la massification de la consommation pornographique révèle une bru-
talisation des rapports sociaux qui déchirent les individus entre recherche vaine de la jouissance, névrose culpabilisatrice et sadisme décomplexé.
Ainsi, logiquement, Romain Roszack en vient à poser – sans tabou pourrait-on dire – la question de l’abolition de la pornographique. Question fondamentale, développement brillant, conclusion nécessaire. À lire absolument pour ne plus rougir de dénoncer l’industrie pornographique !

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