01/06/21

« Le fou caressant »

Recension d'Arthur Cravan, la terreur des fauves, par Sylvain Métafiot sur le site du Comptoir.

C’est un drôle de bonhomme qui déambule dans le quartier Latin en cette année 1912. Un géant d’1m95, cheveux courts et verbe haut, harangue les passants à propos d’une tout jeune revue antilittéraire, Maintenant, dont il est l’unique rédacteur. Arthur Cravan, puisqu’il s’agit de lui, ne passe pas inaperçu. Se présentant comme poète, boxeur, neveu d’Oscar Wilde mais aussi barman, cueilleur d’orange et charmeur de serpents déguisé en Indien, les journalistes se régalent de ses frasques lors de soirée où les démonstrations pugilistiques succèdent aux déchainements poétiques. Des coups de poings qui au propre comme au figuré, lui vaudront huit jours de prison avec sursis pour avoir eu le mauvais goût de déplaire au couple de peintres orphistes Robert et Sonia Delaunay. Refusant de marcher au pas lors de la déclaration de guerre, ce dadaïste avant l’heure s’embarque ensuite pour New-York précédé d’une réputation sulfureuse et retrouve ses amis Marcel Duchamp et Francis Picabia afin de continuer à « mener une vie pleine, sous le signe de la passion, de toutes les passions », comme le note le documentariste Rémy Ricordeau à qui l’on doit l’établissement de ce bel ouvrage rouge de plaisir réunissant certains documents inédits.
On y trouve ainsi une revue de presse française et américaine assez désopilante, relatant sa vie aussi extravagante que subversive (« Cravan tel qu’en lui-même») ; le célèbre « prosopoème » Notes rédigé quelques mois avant sa disparition (et qui avait été publié par André Breton en 1942 dans un magazine new-yorkais lors de son exil aux Etats-Unis) ; enfin, le cœur du livre, sa correspondance amoureuse avec les trois femmes de sa vie : Renée Bouchet tout d’abord, rencontrée en 1909, compagne de soif dans les cabarets de Montmartre et soutien indéfectible de ses années parisiennes ; Sophia Treadwell et Mina Loy ensuite, aventurières modernes fréquentant l’avant-garde new-yorkaise, journaliste féministe pour l’une, poète et peintre audacieuse pour l’autre. Loin d’être une brute que certains aimaient à caricaturer, Cravan est surtout une âme d’une extrême sensibilité, avide du désir amoureux. Cet amour fou dont il n’est jamais rassasié lui revigore le sang jusqu’à l’extrémité des doigts, lui inspirant ces nombreuses « lettres de passion et de désertion ». [...]

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