18/11/20

« Laisse béton le béton »

Recension de Béton par Jean-Luc Porquet dans Le Canard enchaîné.

Faire un tour à la Défense. En apprécier l'ambiance fantomatique. Croiser les rares salariés ayant échappé au télétravail. Admirer la tour Alto, flambant neuve, livrée le mois dernier, dont les 51 000 m2 de bureaux attendent de trouver preneur. Les bureaux, ce n'est plus l'avenir, semble-t-il.
S'étonner à peine qu'ici tout continue comme si de rien n'était. S'extasier devant les chantiers en cours. Par exemple, celui de la double tour The Link (sic), dont le premier coup de pioche a été donné en mars (en plein confinement). Ce sera le siège de Total. C'est comment qu'on freine ? On ne freine pas. Le géant du CAC 40 tient à montrer à la terre entière que c'est lui qui a la plus grosse cotation en bourse : avec ses 244 mètres de hauteur, The Link sera le gratte-ciel le plus élevé de Paris.
Sortir de sa poche Béton. Arme de construction massive du capitalisme, que vient de publier le philosophe Anselm Jappe. Se régaler. L'auteur n'a rien contre le béton, cet ingénieux mélange de chaux (du calcaire cuit dans un four), de sable et d'eau. Après tout, la coupole du Panthéon, construit par les Romains voilà deux mille ans, n'est-elle pas en béton ? C'est le béton armé que Jappe a en horreur. Coulé sur des armatures en acier (méthode mise au point vers 1867), celui-ci a commencé à inonder le monde entier après la Seconde Guerre mondiale. [...]

Anselm Jappe