01/03/21

« La terreur des fauves »

Recension d'Arthur Cravan, la terreur des fauves, par Jean-Philippe de Tonnac sur Marenostrum.

Le mérite de ce volume pensé par Rémy Ricordeau est, comme on le dirait d’un soin énergétique, de refaire circuler le fluide de la vie sauvage dans le corps immense d’Arthur Cravan – 1m95 tout de même ! -, de le libérer des fers dans lesquels il s’est lui-même jeté. Cette mise à sac systématique des valeurs d’une société bourgeoise avec ses arts et ses lettres galantes, si elle était une fin en soi aurait laissé un goût amer avec, sorte de bouquet final, la disparition de cet Érostrate des temps modernes dans l’isthme de Tehuantepec au Mexique au début du mois de novembre 1918. Chez Cravan, faire place nette s’entend en réalité comme préambule à la possibilité de vivre ce pour quoi il se sent d’abord doué, de toute éternité, à savoir, comme le dit Annie Le Brun dans sa postface, cette aptitude de “réinventer l’amour”, autrement dit de le débarrasser de tous ces oripeaux sous lesquels, là encore, l’amour perd son âme et meurt. “Au-delà de déserter toute la gesticulation sociale, il s’agit d’accéder à la “vraie vie” qui se confond pour Cravan avec le projet de “réinventer l’amour”, ici et maintenant.” Pour se distancer le plus possible de ce monde impossible, “il n’est à ses yeux que l’amour, non tel qu’il le conçoit mais tel qu’il le perçoit comme sensation de l’infini permettant de rejoindre le jaillissement de la vie sous toutes ses formes.”
Deux correspondances nous sont offertes, contemporaines l’une de l’autre, nées à un mois de distance, avril et mai 1917, correspondances adressées à des femmes qui incarnent aux yeux de Cravan “le risque d’affronter au grand jour l’aveuglante lumière de l’amour” (Annie Le Brun). D’abord et surtout Mina Loy rencontrée à New York lors d’un bal costumé organisé par Marcel Duchamp pour le lancement de son éphémère revue “The Blind Man”, peintre et poétesse adulée par les avant-gardes pour l’audace et la modernité de ses engagements, son existence libre, sa rébellion qui la fait suivre les penchants de son cœur, toujours. Lui vient d’avoir 30 ans, elle en aura 35 en décembre. Passion foudre immédiate, sentiment qu’ils sont l’un pour l’autre des “âmes sœurs”, correspondance incendiaire dès que la vie les sépare quelques jours, et la vie les sépare, en effet, d’abord lorsque Cravan doit fuir pour échapper à la conscription, ensuite lorsque, décidé à gagner l’Argentine, il disparaît au large des côtes du Mexique où elle a fini par le rejoindre et où ils se sont mariés. [...]

Pour lire l'article en ligne : https://marenostrum.pm/arthur-cravan-la-terreur-des-fauves-remy-ricordeau/