23/09/18

« La technophilie des nazis »

Recension du Modernisme réactionnaire par Mark Hunyadi dans Le Temps.

Pour l’historien Jeffrey Herf, le national-socialisme n’était pas anti-moderne. Il l’explique dans un essai enfin traduit en français.
À sa sortie en 1984, l’ouvrage Le Modernisme réactionnaire de l’historien américain Jeffrey Herf, un spécialiste reconnu de la période nazie, déclencha une vaste discussion dans les cercles académiques internationaux, et au-delà. Sauf, curieusement, en France, où il est passé inaperçu, alors même qu’il était déjà considéré comme un classique à l’étranger. On ne peut donc que saluer l’initiative des Éditions L’échappée qui, depuis une dizaine d’années maintenant, s’efforcent de promouvoir une pensée critique à l’égard des discours aveuglément technophiles qui dominent l’idéologie contemporaine.
Car dans le livre de Herf, c’est bien de technique qu’il s’agit, en l’occurrence du rapport qu’entretenait l’idéologie nazie avec la technologie moderne. Il s’attaquait en effet à la thèse répandue selon laquelle le nazisme aurait été fondamentalement anti-moderne, irrationaliste et cultivant l’esprit rustique du sol et du sang, rejetant tous les acquis de la raison éclairée, idéal des Lumières. Herf montre au contraire que le nazisme s’est nourri d’un courant idéologique qui « entendait réconcilier les idées antimodernistes, romantiques et irrationalistes, présentes dans le nationalisme allemand, avec la technologie moderne, qui est la manifestation la plus évidente de la rationalité instrumentale ». Autrement dit, nourri par la pensée de philosophes connus (Spengler, Jünger, Schmitt, Heidegger) et moins connus voire oubliés dont il fait aussi la liste (quelque peu fastidieuse), le nazisme est le lieu de la réconciliation de la technologie et de l’irrationalité. C’est ce que Herf appelle le « modernisme réactionnaire ».

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Jeffrey Herf