25/08/21

« La pornographie entretient l’immaturité affective »

Entretien avec Romain Roszak, auteur de La Séduction pornographique, par Marion Messina dans Marianne.

Si représenter la sexualité a longtemps été subversif, cela n’est plus le cas depuis les années 1970. Avec « La séduction pornographique » (L'échappée), Romain Roszak, professeur de philosophie, livre une étude exigeante et complète sur le pouvoir de la pornographie et ce qu’elle dit de notre époque.

Marianne : Les statistiques récentes révèlent que l’activité sexuelle des Français a tendance à baisser au fil des décennies. Voyez-vous cette diminution du nombre de rapports sexuels comme un des effets de la consommation de pornographie ou au contraire une des explications du recours à celle-ci ?

Romain Roszak : C’est une question difficile à trancher sur la base d’une simple corrélation. Michela Marzano - philosophe italienne - fait le lien, quand elle explique la manière dont la pornographie se sert du vieux clivage de la sainte et de la putain, et entretient l’immaturité affective. Ses adversaires lui opposent que la normalisation et la diversification de ces images contribuent à l’effacement de ce clivage. La baisse de l’activité sexuelle, ils n’en parlent pas beaucoup. Ils laissent ça à des romanciers qu’ils méprisent, comme Michel Houellebecq.

« Les défenseurs de "la liberté pornographique" dépolitisent au contraire des questions cruciales, en reprenant le lexique et les catégories libérales »

Une chose, à mon sens, nous permet de trancher : c’est que faire l’amour, à deux ou à quinze, ça ne produit aucune valeur… Et qu’en conséquence, il y a toute une armée de VRP de la sexualité qui ont mis le pied dans la porte – pour qui il est vital de nous exproprier de nos propres corps, d’accroître notre dépendance à des sources d’excitation externes, et notre admiration à l’égard des figures et des situations de la pornographie.

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