« Comment un faux fakir a conquis le Paris des années 1930 »
Recension de L'Incroyable imposture du fakir Birman d'Olivier Cariguel par Jean-Jacques Bedu dans Mare Nostrum.
C’est l’histoire d’un homme qui a vendu du vent à un pays qui étouffait. Dans une France de l’entre-deux-guerres tiraillée entre la gueule de bois des tranchées et la peur du lendemain, Charles Fossez a bâti un empire sur une promesse insensée. Olivier Cariguel ne raconte pas que cette ascension vertigineuse : il traque, archive après archive, la genèse d’une hallucination collective. Une enquête magistrale qui, sous les oripeaux de l’exotisme, révèle la modernité effrayante d’un monde où la vérité est devenue une option.
L'ère du doute et la soif de merveilleux
Paris, au lendemain de la Grande Boucherie, danse sur un volcan éteint. Olivier Cariguel, restitue l’atmosphère électrique d’une capitale où les Années folles masquent mal les cicatrices béantes de la conscience collective. La crise économique gronde, les totalitarismes affûtent leurs armes, et dans ce climat anxiogène, la raison vacille. Le petit peuple, tout comme une élite désorientée, déserte les églises pour se ruer vers les tables tournantes et les officines occultes. L’auteur décrit un terreau social en décomposition, une faille psychique béante où s’engouffrent les marchands de certitudes. C’est dans ce contexte de désarroi spirituel que le besoin de croire devient une drogue dure, un impératif de survie mentale. Olivier Cariguel saisit l’instant précis où la société, à bout de souffle, réclame son opiacé, prête à s’offrir au premier charlatan capable de réenchanter un réel devenu invivable.
Charles Fossez, l'architecte de l'illusion
Au cœur de cette fresque se dresse Charles Fossez, figure balzacienne propulsée dans le siècle de la réclame. L’ouvrage dissèque l’itinéraire de cet orphelin stéphanois, entrepreneur raté de la parfumerie niçoise, qui transforme ses faillites en carburant. Olivier Cariguel déploie ici une narration qui entremêle récit biographique et enquête policière : il suit son sujet à la trace, exhumant des rapports de police, des lettres privées et des documents administratifs oubliés. Fossez, alias Berkel, apparaît moins comme un escroc vulgaire que comme un génie de l’adaptation, un caméléon comprenant instinctivement que la vérité est une valeur fluctuante. Depuis son hôtel particulier de la rue de Turin, il orchestre sa propre légende avec une froideur. L’auteur révèle comment cet homme sans qualités particulières s’invente un destin en exploitant les failles du système, devenant l’ingénieur d’une réalité alternative où chaque mensonge est une brique de son édifice (...).
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