« “Aujourd’hui, on cherche des expériences inédites au travail” »
Entretien avec Steven Miles, auteur de La Société de l'expérience, par Alexandre Jadin dans Philosophie Magazine.
Aujourd’hui, on ne se contente plus de faire son travail : on va au bureau en attendant d’y faire une expérience. Pour le sociologue anglais Steven Miles, cela trahit la transformation de notre société en une « société de l’expérience », dernière mutation du capitalisme qui nous propose désormais de vivre des choses « authentiques » plutôt que d’accumuler des objets. Entretien.
Nous vivons selon vous dans une « société de l’expérience ». Qu’entendez-vous par là ?
Steven Miles : Nous sommes passés de la consommation de produits à la consommation d’expériences. Cette grande transition nourrit une illusion d’individualité, ce sentiment de pouvoir contrôler son propre destin. Dans cette « société de l’expérience » que je décris, la relation entre l’identité individuelle et la consommation est renforcée au point de rendre les êtres humains inséparables des expériences par lesquelles le consumérisme les définit. L’un des exemples est l’expérience de la pleine conscience : l’idée que vous pouvez avoir la maîtrise de votre monde si vous vous comportez d’une certaine manière. Il s’agit presque d’un terrain de jeu où l’on peut se convaincre que tout va bien et que l’on est le metteur en scène de sa propre existence. Inévitablement, cela passe par la consommation.
Quelles sont les conséquences d’une telle évolution ?
L’effet secondaire de cette évolution, en réalité, c’est qu’on a moins de liberté et davantage de pression, d’anxiété et d’incertitude. Il ne s’agit pas seulement d’un passage de la consommation de biens à la consommation d’expériences, mais aussi de ce que nous ressentons lorsque nous consommons des expériences. Derrière, il y a une sorte d’obligation à maximiser chaque instant. Si nous ne le faisons pas, nous avons le sentiment d’avoir, en quelque sorte, échoué. Cela crée aussi un monde où nous nions le rôle de la société dans notre existence, où tout tourne autour de l’individu (...).
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