« Apprivoiser l’ambiguïté dans un monde univoque ? »
Recension de Vers un monde univoque de Thomas Bauer par Le Phénix dans Agora Vox.
Le chatoiement du réel, son nuancier infini comme le doute légitime ou l’hésitation n’ont plus droit de cité dans « nos sociétés bureaucratisées, hautement technicisées », globalisées et ultra-numérisées, en proie à un « capitalisme débridé » à tombeau ouvert. « La diversité se porte mal » constateThomas Bauer, déplorant une « faible tolérance à l’ambiguïté ». Le professeur d’études arabes et islamiques (université de Münster) avertit que ce manque de tolérance se solde par la dévaluation de tout ce qui n’est cernable, calculable, chiffrable et prévisible dans un système d’exploitation des plus insoutenable dans le pire des mondes. Ce système-là compte-t-il bannir de l’horizon commun jusqu’aux reflets changeants du réel – ceux qui épousent simplement le jeu de la lumière des vivants ?
« L’univers des sens se rétrécit » constate Thomas Bauer. Sans oublier celui du sens commun. De même, les espaces où pourraient être réunies encore les conditions d’un « débat serein » se rétrécissent en peau de chagrin. Mais justement, pour « débattre » de quoi encore, dans l’actuel « champ des productions intellectuelles » ? De l’impensable mais indispensable « transformation sociale » ou des cinquante nuances du « vert », forcément « décarboné » ?
L’ornithologue Peter Berthold rappelle que si les dinosaures ont été « victimes de catastrophes naturelles, l’extinction actuelle des espèces est endogène ». Ce serait « l’oeuvre de l’homo horribilis, entretemps devenu homo suicidalis, celui qui entend périr de son propre fait, étant peu probable qu’il survive aux espèces dont il a de lui-même causé l’extinction. »
Le peu résistible rétrécissement du champ de la diversité ne concerne pas que celui des pommes, des bananes, des amphibiens, des lépidoptères ou des saveurs mais bien celui de l’espèce invasive acharnée à faire son propre malheur comme celui des autres espèces vivantes avec qui elle est censée avoir la beauté du monde en partage. Car la diversité décroît tant dans la nature que dans la culture : « Seul l’univers coloré de la consommation nous offre encore une vitrine d’apparente diversité qui cache une éternelle monotonie de stimuli sensoriels bon marché visant une consommation effrénée par les yeux, les oreilles et le palais » souligne Thomas Bauer (...).
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