05/02/23

« Comprendre notre fascination pour les corps musclés »

Entretien avec Guillaume Vallet, auteur de La Fabrique du muscle, par Olivia Lévy dans La Presse.

Dans La fabrique du muscle, l’auteur Guillaume Vallet, professeur de sciences économiques à l’Université Grenoble Alpes, tente de comprendre notre fascination pour les corps musclés. Lui-même adepte de culturisme, il explique que le corps est devenu une façon de maîtriser son existence dans notre société remplie d’incertitudes et de vulnérabilités. Entrevue.

D’où vient notre fascination pour les corps musclés ?

Il y a plusieurs facteurs historiques. Depuis la Seconde Guerre mondiale, on accorde une attention particulière au corps et nous avons un rapport à la santé qui est très présent. Il y a également le souci de notre apparence, l’image de soi et la valorisation de l’individu. L’État se désengage, chaque individu doit se responsabiliser, et ça renforce l’idée qu’il faut se distinguer pour exister, on veut donner un sens à sa vie, alors on va investir dans son corps et le muscler. C’est une façon de se positionner dans la société, de revendiquer une différence. L’idée de la construction de l’identité personnelle passe par la réalisation de soi. Plus récemment avec les réseaux sociaux, l’image qu’on véhicule, celui d’un corps musclé très visible, renforce cette croyance que c’est à travers ce corps qu’on va avoir une identité, ce qui va nous inciter à fabriquer notre corps. Le muscle nous fascine et c’est pour cette raison que sa fabrication est recherchée.

Qu’est-ce que symbolise le muscle ?

Historiquement, le muscle a toujours été identifié aux hommes. Lors de l’apparition des sports modernes [deuxième partie du XIXe siècle], le capitalisme va renforcer la croyance que le muscle est le symbole de la puissance et de la performance. Dans l’imaginaire, le muscle est masculin, on le voit dans les films, les bandes dessinées, les dessins animés. Le muscle fait aussi référence à une fonction de productivité et de résistance dans un monde où on a besoin de faire face à des problèmes et à des vulnérabilités. Au fil du temps, il s’est dégenré, le muscle est aussi recherché par les femmes comme mesure de résistance face à l’imprévu. Le muscle est aussi esthétique, les femmes vont globalement se concentrer sur le bas du corps, les cuisses et fessiers comme Kim Kardashian, alors que chez les hommes, les muscles prioritaires sont les biceps et les pectoraux. Le muscle véhicule aussi l’image de contrôle de soi, d’une personne qui prend soin d’elle, qui est soucieuse d’une certaine exigence vis-à-vis d’elle-même, des qualités qui sont aussi valorisées dans le monde du travail aujourd’hui (...).

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Guillaume Vallet